Autres

C’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition du Professeur Gian Savino Pene Vidari survenue le 17 novembre 2020. En juin dernier, il avait fêté ses quatre-vingt ans, mais cette étape de sa vie n’avait en rien entamé son intense activité de chercheur et de conférencier.

Professeur d’histoire du droit médiéval et moderne (1975-2010) à la Faculté de droit de l’Université de Turin, dont il a été doyen à deux reprises (1991-1994 et 2000-2003,) directeur de la prestigieuse « Rivista di storia del diritto italiano » (depuis 1986), Président de la « Deputazione subalpina di storia patria » (depuis 1986), membre de l’Académie des Sciences de Turin, Président de la Société italienne d’histoire du droit (1994-1998), il a aussi enseigné durant de nombreuses années à l’Université de Nice, en qualité de «professeur invité», et également à Paris-Descartes et Paris-Sorbonne.

À ce titre, il a entamé une collaboration soutenue avec les historiens du droit d’ERMES (Maryse Carlin, Paul Malausséna, Michel Bottin) et a été à l’origine de la double licence en droit Nice-Turin, toujours opérationnelle aujourd’hui, qu’il a soutenue en tant que membre du Conseil scientifique de l’Université Franco-italienne (2001-2003).

Ses très importantes activités de recherche s’articulent autour de diverses questions d’histoire juridique et institutionnelle : les statuts communaux médiévaux, l’histoire du droit commercial, l’histoire du droit de la famille, l’histoire de la codification, l’histoire constitutionnelle et l’histoire de la culture juridique piémontaise, puis plus récemment l’histoire de la magistrature et de la profession d’avocat ainsi que l’histoire politique et institutionnelle de l’unité italienne.

Grand connaisseur du droit et des institutions des anciens Etats de Savoie (le Piémont bien sûr et le comté de Nice), il a donc été en 2006, l’un des membres fondateurs du PRIDAES, l’un des principaux programmes de recherche du laboratoire ERMES. Depuis cette date, il a toujours été parmi les animateurs essentiels de ce programme, et participant à pratiquement tous les colloques du PRIDAES et en organisant bon nombre d’entre eux.

               Toutes celles et tous ceux qui ont côtoyé ce grand maître, garderont le souvenir de sa grande culture, de son autorité naturelle, mais surtout de sa disponibilité, de sa bienveillance, de son sens de l’écoute et d’un enthousiasme de chercheur jamais démenti.

 

Olivier Vernier – Marc Ortolani


Patricia Prenant nous a quittés.

C’est avec beaucoup de tristesse et d’émotion que nous avons appris la brutale disparition de Patricia Prenant, le 8 février 2017, à l’âge de 45 ans. Universitaire, docteur en histoire du droit, devenue ensuite journaliste, ses travaux ont profondément renouvelé, ces dernières années, divers aspects de l’histoire du Pays niçois et de la Provence orientale.

Originaire du Loir-et-Cher, mais depuis longtemps installée à Nice, Patricia Prenant en avait fait sa Patrie. À l’issue de brillantes études de droit dans notre université, elle s’était orientée vers l’histoire du droit et obtenu un master de recherche, avec un mémoire de droit romain sous la direction du Professeur Maryse Carlin. Puis, au moment de choisir un sujet de thèse, c’est l’histoire locale qu’elle avait voulu privilégier en choisissant, sous la direction de Marc Ortolani, d’aborder la question du brigandage, entre Nice et la Provence, et de l’Ancien-régime à la Restauration. Malgré la complexité de sujet, en raison de la nécessaire comparaison de systèmes répressifs différents, évoluant au gré des régimes et des politiques criminelles, Patricia Prenant, avait su réaliser en 2008 une thèse brillante, unanimement appréciée par les instances nationales de la recherche, couronnée par le prix de la recherche décerné par le Conseil général, et publiée en 2011 sous le titre « La bourse ou la vie ! Le brigandage et sa répression dans le pays niçois et en Provence orientale (XVIIIe - XIXe siècles) »1.

Puis, dans la perspective d’une carrière universitaire, elle s’était lancée dans un grand nombre de recherches d’histoire juridique novatrices, certaines dans le prolongement de la thèse 2, ou sur la thématique de la justice 3, mais d’autres aussi autour de questions politiques (avec notamment un saisissant portrait du « mécène » Raphaël Bischoffsheim)4  intéressant notre région. Mais c’est surtout vers des questions économiques et sociales que Patricia Prenant allait orienter ses recherches, avec des travaux sur les mouvements sociaux 5, la défense du patrimoine


  • 1Patricia Prenant, « La bourse ou la vie ! Le brigandage et sa répression dans le pays niçois et en Provence orientale (XVIIIe - XIXe siècles) », Nice, Aspeam, 2011, 517 p.
  • 2Patricia Prenant, « Le brigandage jugé par le Sénat de Nice sous la Restauration sarde », Recherches régionales, 2004, pp. 47-59 ; « Vols sur le grand chemin et rançonnements à l’est du Comté de Nice au XVIIIe siècle », Journée d’étude la Société d’art et d’histoire du Mentonnais, 2008 ; « Le brigandage dans le Comté de Nice sous la Restauration sarde : la justice confrontée à la fuite des criminels hors des frontières », Migrations et société, n° 140, 2012, pp. 105-115.
  • 3Patricia Prenant, « Les compétences du conseil de préfecture en matière de contravention à la police du roulage, 1860-1921 », in O. Vernier, M. Ortolani (dir.), La justice administrative à Nice, 1800-1953, du Conseil de préfecture au Tribunal administratif, Nice, Serre, 2006, pp. 53-74 ; « Justice royale et justice seigneuriale à Saint-Vallier », in M-H. Froeschlé-Chopard (dir.), Saint-Vallier-de-Thiey autrefois, La primauté de la petite patrie, Nice, Serre, 2013, pp. 158-160 ; « Les compétences du juge d'instruction sarde en matière criminelle, l'exemple du juge de mandement dans le ressort du Sénat de Nice sous la Restauration », in S. Blot-Maccagnan (dir.),  Du lieutenant criminel au juge d'instruction, Colloque, Nice, 2013, à paraître aux P.U.Rennes, 2018.
  • 4Patricia Prenant, « Raphaël Bischoffsheim, entre affairisme et philanthropie, une figure emblématique de la vie politique niçoise de la fin du XIXe siècle », Cahiers de la Méditerranée, n° 77, 2008, pp. 171-183.
  • 5Patricia Prenant, « Les mouvements sociaux à Nice en 1906 et la gestion de la crise par les pouvoirs publics », Cahiers de la Méditerranée, Nice, n° 74, 2007, pp. 237-257.

forestier6 ou celle de la moralité publique7 , ou bien encore les biens des ennemis durant la première guerre mondiale8 . Se confirmait ainsi, parallèlement à ses travaux consacrés à l’histoire du droit pénal et de la justice criminelle, son goût pour les questions sociales. À côté de ces belles recherches, Patricia Prenant poursuivait ses activités d’enseignement à la Faculté de droit de l’Université de Nice Sophia Antipolis, très appréciée de ses étudiants et de ses collègues, ainsi qu’à l’Université du Sud Toulon-Var, mais aussi au Maroc.

Ses activités professionnelles devaient la conduire ensuite à offrir ses services au Conseil  général des Alpes-Maritimes. Affectée au service du Patrimoine culturel, elle allait être chargée, en 2014, de la préparation de plusieurs inventaires en lien avec les commémorations de la première guerre mondiale9 , puis relatifs au patrimoine industriel du département10 , ce qui devait la conduire à s’intéresser aux activités industrielles grassoises . Partant de cette nouvelle orientation de recherche, Patricia Prenant, en collaboration avec Gabriel Benalloul, historien de la parfumerie grassoise11, allait coordonner deux ouvrages, publiés par l’ASPEAM12 , l’un consacré à la dynastie des Ossola, l’autre aux parfumeurs Cavallier, avec, à chaque fois, un chapitre remarqué de sa plume13 . Abordant cette thématique nouvelle avec le regard du juriste, Patricia Prenant avait commencé à s’intéresser à la protection juridique du parfum, dont elle comptait faire un nouveau thème de recherche.

Depuis trois ans maintenant, Patricia Prenant avait rejoint l’équipe du Patriote Côte d’Azur dont elle était vite devenue la principale collaboratrice, « la journaliste » du Patriote, contribuant à l’évolution et au rayonnement du journal, en particulier dans sa dimension culturelle. L’hommage unanime et de tous horizons qui lui a été rendu dans ses pages14  témoigne de la


  • 6Patricia Prenant, « Le patrimoine forestier des Alpes-Maritimes face aux incendies, la mise en place progressive d'une politique de protection de 1860 jusqu'aux années 1930 », in M. Ortolani (dir.), Protection et valorisation des ressources naturelles dans les États de Savoie. Contribution à une histoire du développement durable, Nice, Serre, 2014, pp. 73-88.
  • 7Patricia Prenant, « Les actions de la Ligue pour la défense de la moralité publique à Nice au début du XXe siècle : lutte contre la prostitution et les publications licencieuses », in S. Cadiou (dir.), Gouverner sous pression ? La participation des groupes d’intérêt aux affaires territoriales, Fondation Maison des sciences de l’homme, Droit et Société – Recherches et travaux, LGDJ, 2016, n°31, pp. 233-246.
  • 8Patricia Prenant et Olivier Vernier, « Le sort des biens des nations ennemies dans les Alpes-Maritimes (1914-1918) », Journée d'étude de la Société Scientifique et Littéraire de Cannes et de l'arrondissement de Grasse, in C. Marro et O.Vernier (dir), Les Alpes-Maritimes dans la Grande guerre, un département cosmopolite et patriote, 2014, Annales de la Société scientifique et littéraire de Cannes et de l’arrondissement de Grasse, tome LX, 2015, pp. 27-38.
  • 9Inventaire des monuments aux morts de la Première Guerre mondiale dans les Alpes-Maritimes d'après les sources d'archives, Conseil général des Alpes-Maritimes, Service Patrimoine culturel, mars 2014 ; Inventaire des établissements sanitaires durant la Première Guerre mondiale dans les Alpes-Maritimes d'après les sources d'archives, Conseil général des Alpes-Maritimes, Service Patrimoine culturel, mars 2014.
  • 10Inventaire du patrimoine industriel des Alpes-Maritimes (1860-1950) d'après les sources d'archives, Conseil général des Alpes-Maritimes, Service Patrimoine culturel, octobre 2013.
  • 11Inventaire des savonneries grassoises (XVIIIe - XXe siècles), Service Ville d'Art et d'Histoire de Grasse et Musée International de la Parfumerie, juin 2014. Elle collabora aussi à l’ouvrage collectif, Bains, bulles & beautés : une histoire de la toilette et de la beauté, Paris, Editions Gourcuff-Gradenigo, 204, p.67-73.
  • 12Patricia Prenant était un membre très actif de l’ASPEAM dont elle était secrétaire générale adjointe.
  • 13Patricia Prenant, « La propriété littéraire de Guy de Maupassant : l’héritage de la famille Ossola (1906-1958) », Grasse et les Ossola, une dynastie de notables au service de la cité et de la France sous la IIIe République, Nice, ASPEAM, 2012, pp. 217-272 ; « Industrie du luxe et commerce international : cent ans d'échanges entre Grasse et Cologne » in  Cavallier Frères : dans les coulisses d'une parfumerie grassoise, Nice, ASPEAM, 2013, pp. 11-63.
  • 14Le Patriote Côte d’Azur, n°175, semaine du 17 au 23 février 2017, pp. 7-8.

place qu’elle y occupait et de toute l’estime qu’elle méritait, pour ses qualités à la fois professionnelles et humaines. En l’espace de quelques années, elle était devenue en effet une journaliste appréciée, attentive et exigeante, comme elle l’était avant tout avec elle-même et tout en étant à l’écoute des autres.

Sa disparition laisse un vide immense, en même temps qu’un terrible sentiment d’inachevé : on songe ici à ses travaux non publiés15 , à ses projets de recherche, aux articles qu’elle préparait. Tout cela s’est achevé brusquement un petit matin d’hiver. Il est bien cruel de devoir aujourd’hui parler d’elle au passé alors qu’elle aurait pu, dans le futur, encore tant nous apporter.

 Marc Ortolani – Olivier Vernier
 

 


  • 15Par exemple, « L'uditore di guerra », colloque international de la Société Internationale d’Histoire de la profession d’avocat, (U. Bellagamba, dir.), Les avocats en temps de guerre. Représentation d’une profession face à la crise, Nice, décembre 2014.

 


Audric Capella, docteur en histoire du droit, vient d'obtenir le prix de thèse 2016 décerné par la Société Française d'Histoire de la Médecine (SFHM), pour sa thèse dirigée par le Professeur Olivier Vernier et intitulée L'encadrement des professions libérales en France: l'exemple du corps médical de la III° à la IV° République. De la conception à la confirmation des ordres de santé.

 


Delphine Rauch docteur en Histoire du droit des activitées maritimes, vient d'obtenir le prix de thèse 2014-2015 de l'Académie de Marine, pour sa thèse dirigée par le Professeur Olivier Vernier Les prud’homies de pêche à l'époque contemporaine (1790-1962).


Delphine Rauch docteur en Histoire du droit des activitées maritimes, vient d'obtenir le prix Etienne Taillemite 2015 pour sa thèse dirigée par le Professeur Olivier Vernier Les prud’homies de pêche à l'époque contemporaine (1790-1962).


Hommage au Professeur Michel Bottin

la cérémonie de remise officielle de son volume d'Etudes "Itinéraires croisés d'histoire du droit entre France et Etats de Savoie" à Monsieur Michel Bottin, vendredi 5 juin 2015.

Bon de commaande MB


Appel à la défense de l’histoire des idées politiques

Télécharger l'appel à la défense de l'histoire des idées politiques


ARTICLE  NICE MATIN SENAT DU 15 03 2014


Le Prix Départemental de la Recherche Historique pour 2011 a été attribué à Henri-Louis Bottin pour sa thèse Le Prince, la ville et la loi. Contribution à l’étude de la norme écrite à partir des statuts de Nice (XIIe-XVe siècles).

Ce prix vient couronner le travail préparé par Henri-Louis BOTTIN dans le cadre du Laboratoire ERMES, sous la direction du Professeur Marc ORTOLANI et soutenu à la Faculté de Droit et de Science Politique de Nice (Université de Nice-Sophia Antipolis) le 13 octobre 2008.

D’un montant de 6 000 euros, le Prix départemental de la recherche historique, créé par le Conseil général des Alpes-Maritimes est destiné à permettre la publication d'une étude originale sur le département des Alpes-Maritimes.

Pour en savoir plus:

http://www.cg06.fr/fr/decouvrir-les-am/decouverte-du-patrimoine/les-archives-departementales/expositions-publications-ad06/prix-departemental-recherche-historique/prix-departemental-de-la-recherche-historique/


Hommage au Professeur Paul Isoart (1931-2013), membre fondateur du laboratoire ERMES.

Hommage au Professeur Paul Isoart (1931-2013)
Membre Fondateur du Laboratoire ERMES

 

Paul Isoart est né à Nice le 20 janvier 1931 de parents originaires du Comté. Il a grandi à Nice du côté des Baumettes, dans un de ces quartiers qui étaient encore à l'époque un peu des villages. Une enfance niçoise marquée par la disparition prématurée de son père en 1940, pendant la guerre. Après le certificat d'études primaires il poursuit ses études secondaires au Parc Impérial, puis ses études supérieures à l'Institut d'études juridiques de Nice, alors desservi par les professeurs de la Faculté de droit d'Aix-en-Provence. Il en sort en 1953 avec un DES de droit public et présente le concours de l'École de la France d'Outre-Mer au moment même où celle-ci ferme la section « Indochine ». Il choisit alors de devenir magistrat et est nommé au Maroc en qualité de commissaire du gouvernement chérifien à Marrakech et à Rabat. Appelé sous les drapeaux en 1956, il sert en qualité d'officier. Il travaille parallèlement à sa thèse sur Le phénomène national vietnamien sous la direction du recteur Fabre. Il soutient en 1959 et est nommé la même année assistant de droit public à l'Institut d'études juridiques de Nice que dirige le professeur Trotabas. Sa carrière universitaire prend corps : maître assistant en 1963 à la toute nouvelle Faculté de droit de Nice, agrégé de droit public et de science politique en 1964, professeur en 1968, doyen de l'Institut du droit de la Paix et du Développement en 1979.
 
Paul Isoart s'affirme très vite comme un maître du droit constitutionnel et du droit d'outre-mer. Il est l'auteur de plusieurs dizaines de publications, sur la décolonisation, sur la République, sur le gaullisme. Il est un des meilleurs spécialistes des évolutions post-coloniales de l'ancienne Indochine. Dans ces études, l'histoire n'est jamais bien loin. Le professeur Isoart y apparaît comme un historien exigeant, pleinement convaincu de la nécessité de s'appuyer sur l'histoire pour éclairer les questions juridiques. Le cours de « Grands problèmes politiques contemporains » qu'il enseigne à la Faculté porte la marque de cette nécessité de connaître le passé pour comprendre le présent. Qu'il s'agisse du conflit sinosoviétique, de la guerre du Viêt-Nam, ou du conflit israélo-palestinien, l'histoire est un passage obligé. Le volume d'hommages que lui ont offert ses collègues en 1997 porte le témoignage de tout ce qu'il a apporté à sa discipline'. Ajoutons-y celui de l'étudiant, marqué par la forte personnalité de l'enseignant et par la qualité de ses cours. Le professeur Isoart, ainsi qu'il le disait parfois, ne venait jamais faire cours « les mains dans les poches ».
Dans sa longue liste de travaux, les études sur Nice éclairent une facette particulière du chercheur. La première est de 1987. Elle marque pour la recherche historique niçoise un événement. Un professeur renommé de droit public et de science politique se penche sur le passé de sa province. Faut-il s'en étonner ? L'amour du pays natal, le goût de l'histoire et une forte conscience d'appartenir à une histoire -il était soci de l'Acadèmia Nissarda- devaient tôt ou tard l'y conduire.
Il ne manquait qu'une occasion. Elle survint lors d'un colloque organisé par le Centre d'histoire du droit autour du thème « Les Alpes-Maritimes. 1860-1914. Intégration et particularismes ». La période et le thème l'intéressaient. Les amicaux encouragements des professeurs Maryse Carlin et Paul-Louis Malausséna firent le reste. Il en sortit une belle publication sur les lieux de mémoire de Nice française. Une aventure intellectuelle commençait. Elle se poursuivra pendant 26 ans !
L'oeuvre niçoise de Paul Isoart est riche d'une quinzaine de publications et de nombreuses préfaces, présentations et notes de lecture. C'est un honneur pour la revue Nice Historique d'avoir accueilli une grande partie de ces publications.
L'ensemble présente une grande et belle homogénéité. La réflexion de Paul Isoart se développe au gré des occasions, colloques, commémorations, journées d'études : sur la dédition de 1388, sur le maréchal Masséna, sur Garibaldi, sur la Grande Guerre, etc. Touche après touche, une oeuvre se construit. Son fil rouge est l'attachement de Nice à la France. Paul Isoart recherche les fondements de cette relation, scrute ses formes d'expression, analyse les mécanismes juridiques et en souligne les temps forts. Le professeur Isoart revisite ainsi quelques grands thèmes de l'histoire de Nice à la lumière de la plus féconde analyse juridique et aussi sans jamais sous-estimer la dimension passionnelle de cette relation. Le titre qu'il donne à sa contribution à l'ouvrage de Jean-Paul Potron, Nice, cent ans est particulièrement évocateur, « Cent ans d'histoire politique. Nice et la France, histoire d'une passion ».
Cet attachement, explique-t-il, est progressif et il ne prend sa véritable dimension que par l'acceptation de la République. D'où la nécessité d'étudier les manifestations et les signes qui le consolident : les commémorations du 14 juillet, les festivités autour du centenaire de l'annexion de 1792, l'inauguration de la statue de Gambetta, le ralliement de Borriglione, le maire de Nice, à la République, la reconnaissance de Masséna comme héros niçois de la Patrie française et surtout la guerre de 14-18. L'attachement trouve ici sa manifestation la plus chamelle et la plus féconde, celle « des semailles sanglantes ». La grande étude qu'il consacre aux monuments aux morts du Comté de Nice et du Mentonnais en est une parfaite illustration. Ainsi se construit le patriotisme des Niçois.
Mais le chemin n'est pas facile. Les contradictions ne manquent pas : les excès de l'administration révolutionnaire sous la Convention ont provoqué l'insurrection des Barbets ; le séparatisme a, en 1870, bien failli emporter Nice vers d'autres horizons ; l'influence du garibaldisme a fait perdre quelques repères patriotiques majeurs ; la querelle sur l'identité de la langue niçoise a troublé profondément les esprits dans l'Entre-deux guerres ; l'occupation italienne en 1943 a ravivé les tendances irrédentistes ; les calculs diplomatiques des Alliés en 1944-1945 ont bien failli empêcher la réunion de Tende et La Brigue à la Nation française. C'est dans ces épreuves que l'attachement s'est consolidé. Le ralliement de Borriglione, le séparatiste, aux valeurs de la République est ainsi beaucoup plus qu'une péripétie politique. Il dissout les résistances à la France, les plus récentes comme celles remontant à la Révolution. Le titre de l'étude est significatif : « Borriglione, le barbet rallié ». Mais c'est sans doute l'affaire du XVe Corps qui permet de vérifier cet attachement avec le plus de certitude. La France a paru rejeter Nice à l'occasion d'une odieuse accusation de lâcheté portée contre les unités du XVe Corps qui auraient abandonné le combat lors de l'offensive dans les Vosges en août 1914. Or discréditer le XVe Corps c'était s'attaquer à ses unités « niçoises », aux chasseurs alpins en particulier. Paul Isoart reprend le dossier, argumente et accumule les justifications. Non les Niçois n'ont pas trahi. L'immense monument aux morts creusé dans la colline du Château porte le témoignage du sacrifice des Niçois. Son inauguration solennelle par le maréchal Foch en 1928 lave Nice de toute accusation.
Le plébiscite de 1860 n'est qu'un moment de cette histoire. Il n'est pas un accident. Il s'inscrit dans une histoire passée et l'histoire qui suit en fait pousser tous les fruits. Mais alors pourquoi avoir autant attendu pour que Nice et la France se rencontrent ? C'est cette question que pose indirectement Paul Isoart en 2010 dans son étude sur « Le destin de Nice ». L'auteur part à la recherche des occasions manquées et des blocages qui ont conduit Nice vers une autre histoire. Nice a fait d'autres choix, contre sa vocation française. L'attachement a pris une forme contractuelle, par exemple avec la dédition de 1388 à la Maison de Savoie. Il est donc toujours susceptible d'être remis en question. Cet attachement a perduré pendant cinq siècles et ainsi empêché l'éclosion d'un véritable sentiment d'adhésion.
Cette conception contractuelle n'a toutefois pas que des effets négatifs. C'est dans ce cadre juridique que s'est forgée l'identité territoriale de Nice et c'est dans ce cadre territorial que va pouvoir se développer le sentiment d'adhésion. Il faut ici revenir aux études de Paul Isoart sur les liens qui unissent Nice à la Provence. Le Comté de Nice est sans doute une terre provençale mais son rattachement à la France ne doit rien à ses liens avec la Provence. « Les Niçois entendaient venir à la France comme fils d'une province à part » explique-t-il. Cette attitude permettait d'écarter toute médiatisation de l'adhésion à la France. L'identité niçoise servait de support au rattachement direct et donnait à l'attachement d'adhésion un caractère exclusif et particulièrement fort.

MICHEL BOTTIN, OLIVIER VERNIER

(Extrait de la revue Nice Historique,
116e année n°1-2-2013 janvier-juin).